lundi 7 mai 2012

Mon aventure chez les indigènes du Chiapas


En partant du DF, après 13 heures de car de nuit, nous sommes arrivées à San Cristobal de Las Casas, capitale culturelle de la région du Chiapas à 2200m d'altitude. Le Chiapas est une région magnifique, montagneuse, à la végétation luxuriante. C'est ici que vit la grande majorité des populations indigènes, pour la plupart des descendants des Mayas.

Nous étions un groupe d’une quarantaine d’étudiants de l’université prêts à vivre 6 jours auprès d’elles ! Nous avons formés des équipes de 3 ou 4, chacune répartie dans différentes communautés. L’équipe composée de 2 mexicains (Andrés et Tania) et d’una petite française (moi-même) allait partir pour le village de Tzakukum !!



Mais avant de se mettre en route pour cette aventure, une dernière douche (froide certes) et un bon petit déjeuner (mexicain certes) nous ont été offerts dans un couvent de la ville.
Avec Tania et Andrés, prêts à partir !
Les dernières recommandations ayant été dites, on se regroupe par équipe pour attendre notre petite camionnette. Avec Andrés et Tania, on a bien eu 2h de suspense suivie de 30min d’hésitation pour savoir quelle était la bonne camionnette, avant de pouvoir charger nos bagages. Voilà qui promettait. Et le ciel commençait à se couvrir dangereusement... 

On était 2 équipes à partir dans la même camionnette, plus un ami du chauffeur et une fille inconnue. C'est parti. Lentement mais surement.


1er arrêt à l’hôpital de San Cristobal pour récupérer cette fille. 30 minutes d’arrêt ! Je commençais à perdre patience et quand on demandait combien de temps il nous fallait pour rejoindre notre communauté, impossible d’avoir une réponse claire : l’un nous disait 2h-2h30 et l’autre 15-30min…
2ème arrêt à la station d’essence. Il commence à pleuvoir.
3ème arrêt au supermarché pour acheter de quoi faire des réserves de nourriture à donner aux communautés. Riz, huile, haricots noirs, légumes… 

Avant de repartir, pour de bon cette fois, on équipe l’arrière de la camionnette d’une bâche pour protéger nos affaires. Et tout le monde rentre à l’intérieur de la camionnette parce que l’averse devient plus forte encore ! Nous voilà donc collés serrés à l’avant et à l’arrière de la camionnette qui traverse la montagne du Chiapas sous une grêle battante ! 


4ème arrêt pour "ajuster" la bâche



Après finalement 2h de trajet dans un décor montagneux et verdoyant, on arrive ENFIN à destination. J’étais contente d’être arrivée mais pas autant de constater que la moitié de mes affaires étaient trempées ! A croire que la bâche n’était pas d'une efficacité optimale.





A Tzakukum nous sommes accueillis par Gaspar, un catéchiste, le chef du village en quelque sorte, qui allait se charger de nous pendant ces 6 jours. Il nous amène à notre chambre, soit "la cabane au fond du jardin" comme toutes les maisons du village. A peine le temps de faire le triste état des lieux que rapidement Gaspar nous invite chez lui.

A droite notre chambre, à gauche l'église
 
Gaspar habite à 20-25 minutes de marche car le village est assez étendu. Sur le trajet, on croise quelques habitants qui nous regardent comme des bêtes curieuses car il faut bien dire qu'on a pas trop le profil indigène…


Priscilla, fille de Gaspar

Gaspar a une grande famille, on fait connaissance avec sa femme et quelques uns de ses enfants. 

Connaissance est un bien grand mot car détail important : dans ces commqnautés, les indigènes ne parlent pas espagnol mais Tzotzil, une langue absolument incompréhensible qui ne ressemble à aucune autre ! 
A Tzakukum, seule une poignée d’habitants, dont Gaspar, parle (à peu près) espagnol. 

Alors la maison de Gaspar est aussi celle des poules, dindons et autres volatiles. On se fait rapidement à cette cohabitation. La maison est plutôt grande : la première pièce est la cuisine, la deuxième une espèce de débarras, la troisième la chambre commune à toute la famille. Le sol c'est la terre même sauf dans la chambre où ça a été bétonné, les lits sont des planches de bois, les placards sont des fils à linge et la salle de bain c'est le robinet à l'extérieur. Tout semble plutôt bien organisé.


Toutes les femmes de la maison cuisinent, chacune à son poste. Sur nos petites chaises en bois, on assiste à la préparation de notre premier dîner (qui ressemblera à tous nos repas suivants). 

La tortilla, cette petite galette de maïs tant représentative du Mexique est faite entièrement à la main : d’abord mouliner les grains de mais, puis pétrir quelque peu la pâte obtenue et former à la main les galettes sur un tabouret en bois avant de les cuire sur le feu qui trône au milieu de la pièce. Quelle technique ! 

Moulin à maïs

Pièce principale/cuisine de la maison de Gaspar

Tortilla & Frijoles
Ainsi au menu de tous les jours et de tous les repas, ce fut : tortillas, frijoles (haricots noirs) et pozole (pâte de maïs malaxée à la main dans de l’eau, chose qui n'a pas de goût et à la texture assez repoussante). 

Bien sûr pas de couverts, on se sert de sa tortilla pour attraper nos petits haricots ! Tout un art !! Le premier soir on a même eu droit à de la viande bien dure qui séchait au dessus du feu (depuis combien de temps, je ne préfère pas savoir). 
J’avais tellement faim que j’ai tout mangé sans me poser de questions, comme à tous les repas. Le truc c’est que la tortilla ça cale rapidement mais 2h après tu as de nouveau faim. 

De rares fois nos plaisirs gustatifs s’élargissaient avec œufs, épi de maïs, autre type de viande immangeable, café (très bon !), thé (très bon aussi !), une fois des pâââââtes (mon estomac n’en croyait pas ses yeux) et bananes frites (un délice !).


Et chose étonnante, ils n’ont rien mais ils ont du Coca. En fait il y a des petits magasins dans chaque village qui vend paquets de chips, gâteaux et boissons à des prix imbattables. 7 pesos (0,40€) la bouteille de coca en verre, 3 pesos (0,20€) le paquet de chips. Partout au Mexique, les pubs Coca-Cola sont omniprésentes et elles arrivent même à se perdre dans les montagnes du Chiapas !

Léger contraste entre la planche de bois en guise de lit à gauche et la cagette de Coca…
 
Petite parenthèse à ce propos : ça ne m’a pas étonné quand j’ai appris que le Mexique est le plus gros consommateur au monde de soda car ils en boivent tout le temps et pendant les repas. 

Outre les traditionnels Coca et Pepsi, on trouve par exemple du "Jamaica" (initialement une infusion d'hibiscus qui est devenue un soda gazeux, très sucré et au goût non identifié) et des jus de fruits très sucrés, pas un brin naturel.






Bref pour faire simple, côté gastronomie, ce fut un régal à chaque repas... Hum heureusement que j’avais emporté ma petite (trop petite) réserve personnelle de cookies.


Après notre premier festin, Gaspar nous dit que le lendemain il va donner une prière (prière ? Oui, les communautés sont très catholiques) chez quelqu’un. Comme on est là pour vivre avec eux et partager leur quotidien, on se propose de les accompagner. Mais chose qu’on ne savait pas, c’est que la prière était prévue à 5h du matin… 

Dimanche 1er avril, réveil par Gaspar à 4h15 et ce n’était pas un poisson d’avril. Notre chambre était accolée à l’église, autrement dit seules des planches de bois nous séparait, et déjà depuis 3h30 le groupe de musique de l’église avait commencé à répéter (musique bien différente que celle que l’on connaît de la religion catholique). Je ne sais pourquoi il nous a réveillé si tôt car quand on ne prend pas de douche, 10 minutes sont largement suffisantes pour se préparer.


On en arrive à un autre détail : pas de douche de la semaine (simple toilette de chat car heureusement il y avait de l’eau) et pour les toilettes c’était un trou dans l’une des "cabanes au fond du jardin".
Les toilettes

Après la prière, petit déjeuner et à 9h commençait la messe du Dimanche des Rameaux qui s'est terminée 4h après !!! Et le pire c’est que c’était 4h en Tzotzil : une horreur !! J’essayais de décrypter l’intonation de la voix pour savoir si ça touchait à sa fin et totale 2h après on y était encore !                                                     
                                                                                             L’Église


Il restait toute une après midi que l’on a occupé en jouant avec les enfants assez réservés et craintifs au début. On avait apporté de quoi faire du coloriage (gros succès de Bob l’Eponge), de la pâte à modeler, un ballon, des bulles de savon (le clou du spectacle), perles pour faire des bracelets, maquillage… Durant ces 6 jours, on a passé beaucoup de temps avec les enfants, adorables, attachants, et de vrais petits monstres parfois aussi qui m’ont fait perdre patience le dernier jour !


Prendre des photos les impressionnait !
Lundi 2 avril, récolte des grains de café au programme, un des travaux quotidiens de Gaspar et de nombreuses familles indigènes. Lever à 6h, quasiment une grasse mat’. Et à 7h il fait déjà bien chaud. On nous fournit un sac pour y déposer nos grains et nous nous enfonçons dans la jungle avec une bonne partie de la famille de Gaspar. Sa femme s’est mise nu-pieds, c’est vrai c’est tellement plus pratique…

Maria, femme de Gaspar à la tâche




Ma récolte
Le café pousse sur de petits arbustes et il n’y a plus qu’à arracher les grains. Au bout de 2h, le soleil commence à taper très fort, j’essaye de faire ma récolte auprès d’arbustes à l’ombre et m’enduit de crème solaire sous les yeux curieux et rieurs des filles de Gaspar. La peau blanche et les cheveux châtains clairs ça n’existe pas là-bas ! En tout 4h de récolte. Fatiguant mais très enrichissant et en profitant d’un paysage magnifique !! 

Gaspar nous dit qu’il vendra son sac de café de 1kg, 30 pesos, soit un peu moins de 2€. Quand on le compare au prix de notre café chez Starbucks ça fait réfléchir…


Séchage des grains de café
Le soir on tombait de sommeil et j'ai réussi à bien dormir malgré mon entourage direct d'araignées et autres bestioles et les planches de bois en guise de matelas. Un exploit !

Notre chambre
Mon lit
Mardi 3 avril, rendez-vous à Acteal, un village voisin malheureusement connu pour son massacre, où l’on retrouve tout le groupe. Ce fut l'occasion d'évoquer l’histoire des peuples indigènes qu'il est important d'avoir en tête :

Le Chiapas est l'Etat de plus pauvre du Mexique. Plus de 80% des communautés indigènes n'ont ni eau potable, ni hôpitaux, ni électricité. Et pourtant, cette région est stratégique et c'est pour cela qu'elle attire autant de convoitises : presque la moitié du potentiel hydroélectrique exploité du pays ainsi que d'importantes ressources pétrolières, forestières et agricoles y sont concentrées.

Le 1er janvier 1994 est entré en vigueur l'Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA), qui associe économiquement le Mexique à ses voisins du nord, les Etats-Unis et le Canada. Ce même jour, dans la stupeur général, les paysans indiens se soulèvent et prennent les armes avec pour modèle Emiliano Zapata (d'où leur nom, "EZLN" : Ejercito Zapatista de Liberación Nacional). Cette guérilla revendique le droit à la terre, au logement, à la santé, à l'éducation, au travail, à la justice et à l'égalité entre tous, mais aussi la reconnaissance de leur identité et de leur culture en tant que peuple indigène.

Panneau à l'entrée d'Acteal
Depuis la conquête espagnole, l'histoire des populations indigènes rime avec extermination, exploitation et humiliation. La Constitution du Mexique ne reconnait toujours pas l'existence des Indiens alors qu'ils représentent près de 10% de la population, soit environ 10 millions de personnes. 

En 1996 ont été signés avec le gouvernement mexicain les accords de San Andres pour les "Droits et Cultures des peuples indigènes". Les engagements n’ont jamais été tenus par l’Etat Mexicain. Au contraire, après la signature des accords, 80 000 militaires ont envahi le Chiapas pour exterminer l’EZLN. Le 22 décembre 1997, des paramilitaires (issus de l’armée mexicaine) ont tué 49 indigènes de la communauté d’Acteal, en majorité des femmes et des enfants. Ceci fut la réponse du "Mal Gobierno" (= gouvernement mexicain).

Depuis 1994, il n'y a donc aucune avancée concrète : les peuples indiens ne comptent toujours pas politiquement et luttent toujours pour leur terre et leur liberté.




Mercredi 4 avril, matinée broderie avec des jeunes filles du village. Toutas les femmes de la communauté portent des vêtements traditionnels brodés entièrement à la main. Les hommes ont les leurs aussi mais sont moins nombreux à les porter (cf. photo ci-dessous de répétition de musique)
Comme il faut compter 1 an de travail pour faire un vêtement, moi je me suis contentée de broder une fleur et un canard et j’étais plutôt fière de moi, même si ça faisait beaucoup rire les jeunes filles qu’on peine à réaliser nos œuvres d’art. Et bien sûr voir un homme (Andrés) broder c’était quelque chose pour elles !


Groupe de musique


Jeudi 5 avril, anniversaire tzotzilien. 
Leurs coutumes sont vraiment étranges pour "fêter" un anniversaire. Le même groupe de musique qui joue à l’église est présent. Et c’est parti pour 4h de musique non stop, les invités s’assoient, certains restent debout et voilà. Personne parle. On déjeune. Il ne se passe rien. Et difficile d'engager la conversation en tzotzil. 
C’est très bizarre à vivre. Au début j’étais pas forcément à l’aise, mais ensuite j’en avais tout simplement assez ! 








 
Vendredi 6 avril, jour du départ et retour à San Cristobal où une bonne douche chaude nous attend à l’hôtel !!! J'ai jamais autant apprécié une douche !

 
Bilan de cette aventure : 

Pouvoir partager la vie d'une communauté, c’est prendre conscience d’une autre dimension du Mexique, une dimension bien lointaine mais qui existe bel et bien… et que je suis fière d’avoir vécue ! D’ailleurs je m’étonne encore de la capacité d’adaptation dont j’ai su faire preuve durant cette semaine loin de toute civilisation et proche de beaucoup trop d’insectes peu recommandables !


Et je clôture le récit de cette belle aventure en tzotzil : 

Lek xkuxet ko´onton, kolaval.
= mon coeur est heureux, merci.








2 commentaires:

  1. Wahhh !!! troop fort ! j'ai adoré ce petit récit qui m'a bien fait voyager ! Ca a l'air vraiment hard quand mm ! Ils ne parlent mm pas la langue officielle, enfin je ne comprends pas comment c'est possible, l'état ne fait rien ? L'école devrait etre obligatoire non ? En thailande, ya ce genre de communauté, mais bon, ils sont passés au jean depuis un bon moment !
    Bon je vais aller faire une petite recherche sur ces indigènes

    Et du coup, gaspar cest le seul qui parle espagnol ? et sa famille ne parle pas espagnol ?

    Allez bisouus !

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  2. Gaspar et quelques autres parlent espagnol, après il y a ceux qui le comprennent mais qui ne le parlent pas et enfin les 100% tzotzil.
    En fait dans les villages en plus des écoles où l'on parle uniquement tzotzil, il y a des écoles bilingues tzotzil + espagnol mais toutes les familles ne peuvent pas se la payer donc dès le plus jeune âge certains parlent espagnol, d'autres non!
    Là bas on voyait quelques jeans mais c'est loin d'être généralisé ! Mais moi j'aime bien leurs vêtements traditionnels ^^

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