Mais avant de se mettre en route pour cette aventure, une
dernière douche (froide certes) et un bon petit déjeuner (mexicain certes) nous
ont été offerts dans un couvent de la ville.
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Avec Tania et Andrés, prêts à partir ! |
Les dernières recommandations ayant été dites, on se regroupe
par équipe pour attendre notre petite camionnette. Avec Andrés et Tania, on a
bien eu 2h de suspense suivie de 30min d’hésitation pour savoir quelle était la
bonne camionnette, avant de pouvoir charger nos bagages. Voilà qui promettait.
Et le ciel commençait à se couvrir dangereusement...
On était 2 équipes à
partir dans la même camionnette, plus un ami du chauffeur et une fille
inconnue. C'est parti. Lentement mais surement.
1er arrêt à l’hôpital de San Cristobal pour récupérer
cette fille. 30 minutes d’arrêt ! Je commençais à perdre patience et quand
on demandait combien de temps il nous fallait pour rejoindre notre communauté,
impossible d’avoir une réponse claire : l’un nous disait 2h-2h30 et
l’autre 15-30min…
2ème arrêt à la station d’essence. Il commence à
pleuvoir.
3ème arrêt au supermarché pour acheter de quoi faire
des réserves de nourriture à donner aux communautés. Riz, huile, haricots
noirs, légumes…
Avant de repartir, pour de bon cette fois, on équipe l’arrière
de la camionnette d’une bâche pour protéger nos affaires. Et tout le monde
rentre à l’intérieur de la camionnette parce que l’averse devient plus forte
encore ! Nous voilà donc collés serrés à l’avant et à l’arrière de la
camionnette qui traverse la montagne du Chiapas sous une grêle
battante !
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4ème arrêt pour "ajuster" la bâche |
Après finalement 2h de trajet dans un décor montagneux et
verdoyant, on arrive ENFIN à destination. J’étais contente d’être arrivée mais
pas autant de constater que la moitié de mes affaires étaient trempées ! A
croire que la bâche n’était pas d'une efficacité optimale.
A Tzakukum nous sommes accueillis par Gaspar, un catéchiste, le
chef du village en quelque sorte, qui allait se charger de nous pendant ces 6
jours. Il nous amène à notre chambre, soit "la cabane au fond du
jardin" comme toutes les maisons du village. A peine le temps de faire le
triste état des lieux que rapidement Gaspar nous invite chez lui.
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A droite notre chambre, à gauche l'église |
Gaspar habite à 20-25 minutes de marche car le village est assez
étendu. Sur le trajet, on croise quelques habitants qui nous regardent comme
des bêtes curieuses car il faut bien dire qu'on a pas trop le profil indigène…
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Priscilla, fille de Gaspar |
Gaspar a une grande famille, on fait connaissance avec sa femme
et quelques uns de ses enfants.
Connaissance est un bien grand mot car détail
important : dans ces commqnautés, les indigènes ne parlent pas espagnol
mais Tzotzil, une langue absolument incompréhensible qui ne ressemble à aucune
autre !
A Tzakukum, seule une poignée d’habitants, dont Gaspar, parle (à
peu près) espagnol.
Alors la maison de Gaspar est aussi celle des poules, dindons et autres volatiles. On se fait rapidement à cette cohabitation. La maison est plutôt grande : la première pièce est la cuisine, la deuxième une espèce de débarras, la troisième la chambre commune à toute la famille. Le sol c'est la terre même sauf dans la chambre où ça a été bétonné, les lits sont des planches de bois, les placards sont des fils à linge et la salle de bain c'est le robinet à l'extérieur. Tout semble plutôt bien organisé.
Toutes les femmes de la maison cuisinent, chacune à son poste. Sur nos petites chaises en
bois, on assiste à la préparation de notre premier dîner (qui ressemblera à
tous nos repas suivants).
La tortilla, cette petite galette de maïs tant représentative du
Mexique est faite entièrement à la main : d’abord mouliner les grains de
mais, puis pétrir quelque peu la pâte obtenue et former à la main les galettes
sur un tabouret en bois avant de les cuire sur le feu qui trône au milieu de la
pièce. Quelle technique !
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Moulin à maïs |
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Pièce principale/cuisine de la maison de Gaspar |
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Tortilla & Frijoles |
Ainsi au menu de tous les jours et de tous les repas, ce
fut : tortillas, frijoles (haricots noirs) et pozole (pâte de maïs malaxée à la
main dans de l’eau, chose qui n'a pas de goût et à la texture assez
repoussante).
Bien sûr pas de couverts, on se sert de sa tortilla pour attraper
nos petits haricots ! Tout un art !! Le premier soir on a même eu droit à
de la viande bien dure qui séchait au dessus du feu (depuis combien de temps, je
ne préfère pas savoir).
J’avais tellement faim que j’ai tout mangé sans me
poser de questions, comme à tous les repas. Le truc c’est que la tortilla ça
cale rapidement mais 2h après tu as de nouveau faim.
De rares fois nos plaisirs
gustatifs s’élargissaient avec œufs, épi de maïs, autre type de viande
immangeable, café (très bon !), thé (très bon aussi !), une fois des
pâââââtes (mon estomac n’en croyait pas ses yeux) et bananes frites (un
délice !).
Et chose étonnante, ils n’ont rien mais ils ont du Coca. En fait
il y a des petits magasins dans chaque village qui vend paquets de chips,
gâteaux et boissons à des prix imbattables. 7 pesos (0,40€) la bouteille de
coca en verre, 3 pesos (0,20€) le paquet de chips. Partout au Mexique, les pubs
Coca-Cola sont omniprésentes et elles arrivent même à se perdre dans les
montagnes du Chiapas !
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Léger contraste entre la planche de bois en guise de
lit à gauche et la cagette de Coca… |
Petite parenthèse à ce propos : ça ne m’a pas étonné quand
j’ai appris que le Mexique est le plus gros consommateur au monde de soda car
ils en boivent tout le temps et pendant les repas.
Outre les traditionnels Coca
et Pepsi, on trouve par exemple du "Jamaica" (initialement une infusion
d'hibiscus qui est devenue un soda gazeux, très sucré et au goût non identifié)
et des jus de fruits très sucrés, pas un brin naturel.
Bref pour faire simple, côté gastronomie, ce fut un régal à
chaque repas... Hum heureusement que j’avais emporté ma petite (trop petite)
réserve personnelle de cookies.
Après notre premier festin, Gaspar nous dit que le lendemain il
va donner une prière (prière ? Oui, les communautés sont très catholiques)
chez quelqu’un. Comme on est là pour vivre avec eux et partager leur quotidien,
on se propose de les accompagner. Mais chose qu’on ne savait pas, c’est que la
prière était prévue à 5h du matin…
Dimanche 1er avril, réveil par Gaspar à 4h15 et ce
n’était pas un poisson d’avril. Notre chambre était accolée à l’église, autrement
dit seules des planches de bois nous séparait, et déjà depuis 3h30 le groupe de
musique de l’église avait commencé à répéter (musique bien différente que celle
que l’on connaît de la religion catholique). Je ne sais pourquoi il nous a
réveillé si tôt car quand on ne prend pas de douche, 10 minutes sont largement
suffisantes pour se préparer.
On en arrive à un autre détail : pas de douche de la
semaine (simple toilette de chat car heureusement il y avait de l’eau) et pour
les toilettes c’était un trou dans l’une des "cabanes au fond du jardin".
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Les toilettes |
Après la prière, petit déjeuner et à 9h commençait la messe du
Dimanche des Rameaux qui s'est terminée 4h après !!! Et le pire c’est que
c’était 4h en Tzotzil : une horreur !! J’essayais de décrypter
l’intonation de la voix pour savoir si ça touchait à sa fin et totale 2h après
on y était encore !
L’Église
Il restait toute une après midi que l’on a occupé en jouant avec
les enfants assez réservés et craintifs au début. On avait apporté de quoi
faire du coloriage (gros succès de Bob l’Eponge), de la pâte à modeler, un
ballon, des bulles de savon (le clou du spectacle), perles pour faire des
bracelets, maquillage… Durant ces 6 jours, on a passé beaucoup de temps avec
les enfants, adorables, attachants, et de vrais petits monstres parfois aussi
qui m’ont fait perdre patience le dernier jour !
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Prendre des photos les impressionnait ! |
Lundi 2 avril, récolte des grains de café au programme, un des
travaux quotidiens de Gaspar et de nombreuses familles indigènes. Lever à 6h,
quasiment une grasse mat’. Et à 7h il fait déjà bien chaud. On nous fournit un
sac pour y déposer nos grains et nous nous enfonçons dans la jungle avec une
bonne partie de la famille de Gaspar. Sa femme s’est mise nu-pieds, c’est vrai
c’est tellement plus pratique…
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Maria, femme de Gaspar à la tâche |
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Ma récolte |
Le café pousse sur de petits arbustes et il n’y a plus qu’à
arracher les grains. Au bout de 2h, le soleil commence à taper très fort,
j’essaye de faire ma récolte auprès d’arbustes à l’ombre et m’enduit de crème
solaire sous les yeux curieux et rieurs des filles de Gaspar. La peau blanche
et les cheveux châtains clairs ça n’existe pas là-bas ! En tout 4h de
récolte. Fatiguant mais très enrichissant et en profitant d’un paysage
magnifique !!
Gaspar nous dit qu’il vendra son sac de café de 1kg, 30
pesos, soit un peu moins de 2€. Quand on le compare au prix de notre café chez
Starbucks ça fait réfléchir…
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Séchage des grains de café |
Le soir on tombait de sommeil et j'ai réussi à bien dormir
malgré mon entourage direct d'araignées et autres bestioles et les
planches de bois en guise de matelas. Un exploit !
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Notre chambre |
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Mon lit |
Mardi 3 avril, rendez-vous à Acteal, un village voisin
malheureusement connu pour son massacre, où l’on retrouve tout le groupe. Ce
fut l'occasion d'évoquer l’histoire des peuples indigènes qu'il est important
d'avoir en tête :
Le Chiapas est l'Etat de plus pauvre du Mexique. Plus de
80% des communautés indigènes n'ont ni eau potable, ni hôpitaux, ni
électricité. Et pourtant, cette région est stratégique et c'est pour cela
qu'elle attire autant de convoitises : presque la moitié du potentiel
hydroélectrique exploité du pays ainsi que d'importantes ressources
pétrolières, forestières et agricoles y sont concentrées.
Le 1er janvier 1994 est entré en vigueur l'Accord de Libre
Echange Nord Américain (ALENA), qui associe économiquement le Mexique à
ses voisins du nord, les Etats-Unis et le Canada. Ce même jour, dans la
stupeur général, les paysans indiens se soulèvent et prennent les armes avec
pour modèle Emiliano Zapata (d'où leur nom, "EZLN" : Ejercito
Zapatista de Liberación Nacional). Cette guérilla revendique le droit à la
terre, au logement, à la santé, à l'éducation, au travail, à la justice et à
l'égalité entre tous, mais aussi la reconnaissance de leur identité et de leur
culture en tant que peuple indigène.
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Panneau à l'entrée d'Acteal |
Depuis la conquête espagnole, l'histoire des populations
indigènes rime avec extermination, exploitation et humiliation. La Constitution
du Mexique ne reconnait toujours pas l'existence des Indiens alors qu'ils
représentent près de 10% de la population, soit environ 10 millions de
personnes.
En 1996 ont été signés avec le gouvernement mexicain les accords
de San Andres pour les "Droits et Cultures des peuples indigènes".
Les engagements n’ont jamais été tenus par l’Etat Mexicain. Au contraire, après
la signature des accords, 80 000 militaires ont envahi le Chiapas pour
exterminer l’EZLN. Le 22 décembre 1997, des paramilitaires (issus de l’armée
mexicaine) ont tué 49 indigènes de la communauté d’Acteal, en majorité des
femmes et des enfants. Ceci fut la réponse du "Mal Gobierno" (=
gouvernement mexicain).
Depuis 1994, il n'y a donc aucune avancée concrète : les
peuples indiens ne comptent toujours pas politiquement et luttent toujours pour
leur terre et leur liberté.
Mercredi 4 avril, matinée broderie avec des jeunes filles du
village. Toutas les femmes de la communauté portent des vêtements traditionnels
brodés entièrement à la main. Les hommes ont les leurs aussi mais sont moins
nombreux à les porter (cf. photo ci-dessous de répétition de musique).
Comme il faut compter 1 an de travail pour faire un
vêtement, moi je me suis contentée de broder une fleur et un canard et j’étais
plutôt fière de moi, même si ça faisait beaucoup rire les jeunes filles qu’on
peine à réaliser nos œuvres d’art. Et bien sûr voir un homme (Andrés) broder
c’était quelque chose pour elles !
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Groupe de musique |
Jeudi 5 avril, anniversaire tzotzilien.
Leurs coutumes sont
vraiment étranges pour "fêter" un anniversaire. Le même groupe de
musique qui joue à l’église est présent. Et c’est parti pour 4h de musique non
stop, les invités s’assoient, certains restent debout et voilà. Personne parle.
On déjeune. Il ne se passe rien. Et difficile d'engager la conversation en
tzotzil.
C’est très bizarre à vivre. Au début j’étais pas forcément à l’aise,
mais ensuite j’en avais tout simplement assez !
Vendredi 6 avril, jour du départ et retour à San Cristobal où
une bonne douche chaude nous attend à l’hôtel !!! J'ai jamais autant apprécié
une douche !
Bilan de cette aventure :
Pouvoir partager la vie d'une communauté, c’est prendre
conscience d’une autre dimension du Mexique, une dimension bien lointaine mais
qui existe bel et bien… et que je suis fière d’avoir vécue ! D’ailleurs je
m’étonne encore de la capacité d’adaptation dont j’ai su faire preuve durant
cette semaine loin de toute civilisation et proche de beaucoup trop d’insectes
peu recommandables !
Et je clôture le récit de cette belle aventure en tzotzil :
Lek xkuxet ko´onton, kolaval.
= mon coeur est heureux, merci.